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jeudi 6 octobre 2011

Archive :Réparer et prévenir des maladies contractées par l’exposition aux radiations ionisantes.

Jacqueline Gaudet Pdte Mounana et Ango Marthurn de la Cartram.
Photo: Camille.


Un dispositif d’Observation de la Santé sur les sites miniers uranifères exploités par Areva vient d’être créé. C’est le fruit d’un long travail mené par des ONG comme Aghir In’Man qui a permis d’aboutir au récent accord.

D’ici la fin de l’année, les sites miniers d’extraction d’uranium exploités par Areva seront dotés au Niger d’un Observatoire de la Santé. L’engagement a été annoncé à la presse ce vendredi 19 juin à Paris, à l’occasion de la signature d’un accord relatif à la création d’un Groupe d’Expertise Pluraliste d’Observation de la Santé (GPOS) sur ces mêmes sites miniers. Cet accord a été signé par l’industriel, l’association française Sherpa de protection et de défense des populations victimes de crimes économiques et l’association de solidarité internationale Médecins du Monde. « Cet accord n’a rien à voir avec nos missions de renforcement du système de santé au Niger, précise le médecin Michel Brugière, directeur général de Médecins du Monde. A travers ce dispositif, on met en place la médecine du Travail avec Areva comme employeur et des ONG représentant les travailleurs et les anciens travailleurs des mines uranifères ».
Selon le protocole d’accord sur les maladies provoquées par les rayonnements ionisants signé ce même jour par Sherpa et Areva, les travailleurs et anciens travailleurs des sites miniers uranifères et/ou leurs Ayants droit pourront s’adresser à l’Observatoire de la Santé dans le cas où ils auraient contracté une maladie qu’ils soupçonnent être liée à l’exposition aux rayonnements ionisants. « Ces sujets doivent être abordés sans tabou", a déclaré Jacques-Emmanuel Saulnier, porte-parole du groupe Areva, qui qualifie de « première mondiale » la création des Observatoires de la Santé et la démarche de concertation d’un industriel avec les associations. Le malade pourra faire cette démarche à deux conditions : que la pathologie contractée figure dans le tableau N°6 des maladies professionnelles du Code de la Sécurité Sociale français, et après avoir fait les démarches auprès des organismes sociaux Nigériens pour obtenir reconnaissance de ce lien. « La présomption d’imputabilité protège le salarié », explique l’avocat William Bourdon, président de Sherpa, qui qualifie cet accord d’« inédit » car il règle le passé et organise une vigilance pour le futur.
Si les conditions sont réunies par le malade, le comité médical de l’Observatoire de la Santé composé d’ONG (Médecins du Monde et/ou représentant les travailleurs et anciens travailleurs), d’autorités publiques locales et d’Areva, examinera le dossier médical. S’il statue sur l’existence d’un lien direct et certain entre la maladie déclarée et les conditions de travail, Areva s’engage à ce que la victime soit indemnisée. Le GPOS, composé d’un collège de douze experts indépendants nommés pour moitié par Sherpa/Médecins du Monde et Areva, et présidé par le directeur médical d’Areva, recueillera et analysera une fois par an les résultats enregistrés par l’Observatoire de la Santé.

                                     Un point d'étape important, sur un chemin qui reste à tracer

Pour l’heure, ce dispositif se met en place au Gabon, où un premier Observatoire de Santé vient d’être créé pour les anciens travailleurs des mines uranifères de Mounana, fermées depuis 1999. Areva s’est engagé, par ailleurs, à installer une surveillance des populations environnantes qui vivent autour des anciens sites. « Depuis 1958 nous sommes des travailleurs. La période d’incubation avance ! » s’est exclamé Mathurin Ango du Catram, le Collectif gabonais des anciens travailleurs de la Compagnie des Mines d’Uranium de Franceville (Comuf). Pour cet homme qui dénonce une « carence entretenue » d’informations (non accès au bilan dosimétrique, aux fiches médicales, etc.) et qui revendique le « droit de savoir », il s’agit avant tout d’une reconnaissance morale et de pouvoir édicter des règles de vie comme celle d’éviter les mariages entre enfants de mineurs pour limiter le risque de stérilité. Pour Jacqueline Gaudet, présidente de l’association française des anciens employés expatriés de la Comuf, la signature de cet accord est une « victoire ». « Il aura fallu neuf longues années pour qu’aujourd’hui, Areva nous entende », a-t-elle déclaré, qualifiant d’« admirables guerriers » les associations Sherpa, Médecins du Monde et la Commission Indépendante d’Information sur la radioactivité (Criirad) à qui ils ont fait appel en 2005. dès En 2003, l’association nigérienne Aghir In’Man a été précurseur dans cette démarche de faire appel à ces ONG d’envergure internationale. « Avec la mondialisation, la société civile a besoin d’interdisciplinarité, sinon elle ne s’en sort pas », a souligné W. Bourdon de Sherpa. Pourtant, aucun représentant d’Aghir In’Man n’était présent lors de la signature de cet accord qui constitue un point d’étape important, après un parcours déjà long de plus de six ans d’enquêtes de terrain et de négociations de la société civile. « Nous n’avons pas pu rentrer en contact avec nos partenaires nigériens entre la première date prévue pour la signature de l’accord et ce vendredi 19 », confie bien embêté Michel Brugière. Aghir In’Man est déclarée comme association de protection de l’environnement, cela justifie-t-il son absence ? La Criirad figurait également parmi les grands absents à cet événement. Dans un communiqué mis en ligne sur son site Internet, elle s’interroge sur la nature de cet accord : « Progrès réel ou écran de fumée ? ». S’appuyant sur sa connaissance de la réalité de terrain des sites miniers, acquise avec difficulté : radon évacué dans les rues par les bouches d’aération, poussières radioactives volatiles détachées des résidus radioactifs entreposés à l’air libre, forte suspicion de la contamination des eaux, matériaux radioactifs issus des mines et des usines dispersés à travers le pays et réutilisés par la population, etc. La Crrirad déclare : « Si Areva ne prend pas en parallèle des dispositions pour réduire l’impact sanitaire et environnemental de ses activités, la mise en place de ces observatoires ne constituera pas un progrès réel ».
Avec le dispositif actuel, le GPOS pourra faire des propositions en matière d’hygiène et de sécurité qui aient des conséquences en faveur de la protection de l’environnement, à partir de données sur les liens entre santé et environnement rassemblées par les Observatoires de Santé. De même, pour l’instant dans le tableau N°6 relatif aux rayonnements ionisants ne figurent que trois cancers : leucémie, cancer du poumon et cancer des os. Mais aux vues des recherches menées ces 25 dernières années (le rein, particulièrement touché) et des données recueillies par les Observatoires de la Santé, le GPOS pourra faire aussi des propositions qui iront dans le sens d’une plus grande variété de pathologies reconnues comme étant en lien direct avec une exposition chronique aux faibles doses de radioactivité. « Si les associations veulent pousser la balle plus loin sur terrain, il faudra qu’elles la fassent remonter ! », conclu le docteur Michel Brugière, bien conscient des liens existants entre problèmes de santé et environnement de vie. « Il appartient aux ONG de continuer le travail sur le terrain », a déclaré W Bourdon, qui entend bien « ne pas faire preuve d’angélisme » dans cette affaire.
Malgré toutes ses limites, ce dispositif offre un potentiel d’avancées significatif pour que tous s’approprient le risque de vivre et de travailler avec ces matières radioactives inodores et invisible, présentes naturellement dans l’environnement, rendues dangereuses par leur concentration et leur accumulation liée à l’exploitation minière. Si l’accord n’est pas rompu par désaccord entre les parties et s’il est reconduit dans deux ans, le démarrage de la mine Imourarem s’accompagnera a priori d’un point sanitaire initial des salariés et peut-être de la population environnante. Cette mine ne sera plus seulement « la mine d’uranium la plus importante de toute l’Afrique et la deuxième au monde ».

                                                                               Camille Saïsset, correspondante à Paris pour le journal