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lundi 29 août 2011

MENDICITÉ JUVÉNILE ET FÉMININE À ZINDER : Le phénomène prend de l’ampleur


« Donnez-moi une pièce pour manger pour l’amour de Dieu ! ».« Pitié ! Aidezmoi, je n’ai pas mangé depuis deux jours ! » Ces phrases, vous les entendez souvent à Zinder aujourd’hui, prononcées par des nuées de jeunes, filles et garçons à peine adolescents, qui, debout près des feux optiques ou au coin d’une rue, cherchent désespérément leur pitance.

Tous ont une histoire désolante à raconter. À 18 ans, maryam en a déjà beaucoup sur le coeur. « Je suis née à Moa et j’ai été mariée de force à l’âge de 11 ans, explique la jeune femme qui mendie chaque jour au centre de Zinder et qui a requis l’anonymat. Mon mari est parti il y a quatre ans, me laissant enceinte. La même année, la récolte a été mauvaise et nos greniers étaient vides. Avant de venir m’installer en ville, une ONG m’a donné de l’argent à faire fructifier, mais comme je n’avais aucune expérience, j’ai échoué. Il a fallu vendre mes biens pour les rembourser. J’ai ensuite été femme de ménage mais la patronne ne me donnait que 5.000F par mois pour un travail pénible. Le matin, je devais préparer le petit déjeuner, laver le linge de toute la famille, faire le ménage et m’occuper des enfants de la patronne tout en faisant la cuisine. Un beau matin, elle me remerciait ! Avec deux enfants sur les bras et aucun revenu, je suis obligée de mendier. »
Maryam gagne en moyenne 300 FCFA par jour, sans compter les restes de nourriture qu’on lui offre parfois. « Je sais que ma vie n’est pas gaie, confesse-telle. Je suis illettrée et quand je pense à mes enfants qui n’auront eux aussi pas la chance de fréquenter l’école, j’en ai des larmes aux yeux. » Issa Adamou, un talibé de 14 ans vient, lui, de Guidimouni, un village situé à 65km au nord de Zinder. « J’allais à l’école mais compte tenu des nombreuses grèves des enseignants, mon père a préféré me confier à un marabout qui venait en ville. L’objectif était de m’encadrer et de m’enseigner la langue coranique. Depuis mon arrivée ici, chaque matin vers 6h30, avec une centaine d’autres enfants, tous venus des villages environnants, nous partons quémander ou faire des petits boulots pour avoir un peu d’argent. Nous arrivons à gagner 250 FCFA par jour mais il y a des moments où nous rentrons bredouilles. »
Karima Boubacar mendie aussi son pain. Elle a 23 ans et est originaire de Erkoussa, un village de Mayayi dans la région de Maradi. Elle a été opérée il y a 19 mois d’une fistule obstétricale. « J’ai été abandonnée par tous, soupire-t-elle. Il ne me reste que la mendicité. » Tout le monde le sait, l’extrême pauvreté est l’une des causes premières de la mendicité.
Interrogée à ce sujet par le magazine Aïr Info, la ministre de la Population et des réformes sociales, Mme Zila Mamadou, pense qu’on ne peut dissocier la mendicité de la pauvreté. « Les deux vont presque toujours de pair, explique-t-elle. Toutes les actions et les mesures que nous prenons entrent dans le cadre de la lutte contre la pauvreté et, donc, contre la mendicité. Selon l’enquête sur le Questionnaire unifié des indicateurs de Base de bien-être, réalisée en 2005, 62,1% de la population nigérienne est pauvre et que ce sont les femmes, les jeunes et les personnes handicapées qui constituent les couches les plus vulnérables de notre société et qui payent le plus lourd tribut. »
Malam Kanta, un maître coranique de Zinder, dit ne pas être étonné par l’augmentation du nombre de femmes et d’enfants qui mendient dans les rues. « C’est le déclin de la foi en Dieu, croit-il. De plus en plus, la solidarité déserte le coeur des hommes. Avant, tout était partagé avec les voisins mais aujourd’hui c’est le contraire, c’est l’individualisme à outrance... C’est parce que les hommes n’ont plus foi en Allah qu’ils souffrent ! » Un point de vue que partage en partie Boubacar Mahamadou, responsable de l’ONG Niger-Amitié, unique structure locale oeuvrant pour le bien-être des enfants en difficulté. « Les causes de la mendicité sont liées à la pauvreté, à l’ignorance mais surtout à l’esprit d’assistance que notre société cultive par le biais des religions, estime-t-il. Il suffit qu’un enfant ait un petit handicap ou naisse dans une famille pauvre pour qu’il soit jeté dans la rue pour mendier. »
Sanoussi Maman, coordonnateur de l’ONG Aso Marayou, un organisme local qui oeuvre pour le bien être des orphelins, confirme que, malgré les efforts consentis par l’État et les ONG, l’éradication de la mendicité à Zinder est loin d’être faite. « Beaucoup d’intervenants pensent que ce phénomène est directement lié à un manque de ressources alimentaires, dit-il. Plusieurs programmes d’aide d’urgence - banques céréalières, distributions gratuite de vivres, vente à prix modéré, octroi de crédits aux paysans, etc. - ont vu le jour qui, malheureusement, n’ont pu pallier à ces problèmes. Une mise en cause du système d’intervention de ces programmes s’impose pour mettre le paysan en confiance et chercher les causes directes et indirectes de ce phénomène. »
En attendant, les mendiants prolifèrent dans les rues de la capitale du Damagaram. Pour mettre un terme à cet engrenage infernal de misère, d’ignorance et de faim, d’aucuns rêvent au jour où la société nigérienne s’attaquera enfin au problème. « Il faut établir un code de bonne conduite des marabouts, rendre universelle la planification des naissances et créer des centres de formation professionnelle, propose Sanoussi Maman. Il faut aussi sensibiliser les habitants des zones les plus affectées par le phénomène de la mendicité, promouvoir des micro projets, mettre en place une éducation vraiment fonctionnelle afin que tous puissent gagner honorablement leur vie. Il faut agir, quoi ! »
Abdoul Razak Tallé