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Des rêves
qui se changent en cauchemars, des vies tranquilles devenues infernales, tel
est le sort de milliers de jeunes Ghanéens, Nigérians ou Camerounais des deux
sexes qui tentent désespérément d’atteindre l’Europe. Perdus pour l’Afrique et
vomis par l’Occident. Zinder voit passer chaque semaine des dizaines de ces
migrants qui n’ont qu’une envie : partir, quel qu’en soit le prix !
De jeunes filles, maquillées à outrance et habillées de façon
suggestive, squattent la devanture d’un débit de boissons du quartier Toudoun Jamous, au centre-ville
de Zinder. Au premier coup d’œil, il est clair qu’il s’agit de prostituées,
originaires du Nigeria voisin. Les Zindérois les observent, mécontents.
« Ces filles n’ont pas leur place ici », crache, dégoûté, un imam de
la place.
Elles sont des dizaines à faire ce métier, forcées par leur rêve
et leur misère, désireuses de continuer vers l’Algérie ou la Libye via Agadez.
En vérité, elles n’ont aucun choix. Ayant quitté leur Nigeria natal avec juste
ce qu’il faut pour payer leur transport et soudoyer les gardes-frontière, elles
se rendent vite compte que, malgré les assurances du passeur, leur petit pécule
ne leur permettra pas de se rendre loin. « Francis nous avait
pourtant dit que le voyage était très facile pour aller en Espagne, raconte une
Nigériane d’à peine 18 ans qui pratique le plus vieux métier du monde à Zinder.
Il me fallait juste un peu d’argent pour payer le transport et la bouffe en
cours de route. »
En route pour l’Europe, plusieurs – filles et garçons – font une
escale obligée dans la capitale du Damagaram. En panne d’argent et d’amis,
beaucoup de filles en sont réduites à vendre leur corps alors que les hommes
acceptent, eux, de recourir à divers expédients, dont le vol n’est souvent que
la manifestation la moins violente.
Marquées au fer rouge du besoin, beaucoup de ces filles, dans la
fleur de leur jeunesse, sont pourtant instruites et n’auraient jamais songé
vivre un tel enfer. « Je viens d’obtenir ma licence en droit public et mon
rêve c’est de poursuivre mes études en Europe, explique Joys, 21 ans, elle
aussi originaire du Nigeria. Je ne suis pas une prostituée mais il me faut bien
survivre. Chose certaine, je n’oublierai jamais cette traversée ». Elle
explique que c’est une amie qui l’a mise en contact avec un passeur de migrants
surnommé Bogoss. Le
passeur finançait le voyage jusqu’au Maghreb mais en échange, les candidates se
devaient de suivre ses consignes. L’une de ces consignes stipulait clairement
qu’elles devraient ‘’ travailler ‘’ pour lui auprès de ‘’clients’’ en
quête de plaisir. « Je n’avais pas le choix, soupire Jos, et j’ai
accepté. »
Bogoss,
son patron, l’héberge depuis avec les autres dans une maison de Zinder, à
charge pour elle et ses compagnes de le rembourser pour sa ‘’générosité’’.
Certaines nuits, elle parvient à remettre 8 000 Fcfa à son patron. «
Les clients ne manquent jamais, confirme-t-elle, la mine serrée, réprimant une
moue de dégoût. Les clients sans préservatif payent 2 500 francs et 1000 francs
avec. »
Lorsqu’on lui demande ce qui l’a poussée à tenter cette inhumaine
traversée, elle parle tout de go d’une voisine de son quartier qui,
manifestement, gagne bien sa vie en Belgique. « Elle a construit une belle
villa et acheté un joli véhicule à sa famille, raconte-t-elle, une étincelle
dans les yeux. Ses frères fréquentent l’école la plus chère de ma région et
tout cela après seulement deux ans en Europe. N’est-ce pas
tentant ? »
Intelligente, Joys dit mesurer les risques qui l’attendent.
« Mais il faut que j’y aille, dit-elle. Je ne peux plus vivre dans cette
indigence. J’ai laissé ma famille dans une grande misère et il faut absolument
que j’arrive en Europe. J’ai planifié mon voyage sur cinq mois. Arrivé à
destination, je ferai n’importe quel boulot, serveuse par exemple, afin de
payer ma scolarité. J’ai même déjà envoyé mes papiers aux ressortissants de mon
pays qui vivent là bas ! »
Félix, jeune Camerounais de 35 ans originaire de Garoua a vu
son rêve se transformer en cauchemar à Zinder. Escroqué par des gens sans
scrupules, ne sachant que faire et sans aucun revenu, il a été pris en flagrant
délit de vol dans un quartier de Zinder. Il a été sauvé in extremis des
mains de la populace qui voulait le lyncher. Libéré quelques semaines plus
tard, il témoigne : « Je suis titulaire d`un diplôme
d’enseignement primaire et mon projet est de partir au canada enseigner ou
faire n’importe quoi ! »
TAM le damagaram